Erró (né en 1932)

Titre : Sans titre (2001)
Technique : Lithographie en couleurs
Édition : Numérotée XXV / LX
Dimensions hors marges : 45 × 60 cm
Dimensions avec marges : 57 × 78 cm

Descriptif et analyse critique

Une esthétique pop et narrative

Dans cette lithographie de 2001, Erró condense les traits qui font la singularité de son œuvre : l’usage de l’imagerie populaire, l’emprunt direct aux codes de la bande dessinée et une narration visuelle saturée de références. Ici, une héroïne guerrière, surgie des comics américains, affronte son propre reflet démultiplié dans des silhouettes féminines stylisées et provocantes.

Le choc des icônes

Le contraste est fort : d’un côté, la figure active et vêtue, animée par une énergie dramatique ; de l’autre, des corps nus, glacés, alignés comme des simulacres. La bulle de texte — « And when I do, only one of us can live » — ajoute une dimension de récit, évoquant autant le langage du feuilleton populaire que la dramaturgie antique. L’œuvre joue sur l’ambiguïté entre puissance féminine et fétichisation du corps, entre mythologie et culture de masse.

Couleur et impact visuel

La palette, éclatante et contrastée, renvoie à l’univers pop : aplats francs, contours noirs épais, dynamisme visuel accentué par l’éclat blanc de l’impact au centre de la composition. Erró déploie une véritable stratégie de saturation visuelle, conçue pour captiver immédiatement le regard et provoquer une lecture à plusieurs niveaux — esthétique, politique, ironique.

Lecture critique

Cette œuvre illustre la démarche d’Erró : détourner, hybrider et recycler les images de la culture visuelle moderne pour interroger notre rapport aux mythes contemporains. Entre ironie et fascination, il dresse un miroir critique d’un monde saturé d’images, où l’héroïsme et la séduction deviennent des produits visuels.

Notice biographique – Erró

Origines et formation

Erró, de son vrai nom Guðmundur Guðmundsson, est né en 1932 à Ólafsvík, en Islande. Formé aux Beaux-Arts en Islande, puis en Norvège et en Italie, il s’installe à Paris au milieu des années 1950, où il s’intègre dans les cercles de l’avant-garde européenne.

Carrière et reconnaissance

Erró est l’une des figures majeures de la scène artistique contemporaine internationale, associé au mouvement de la Figuration narrative et proche du Pop Art. Dès les années 1960, il développe un langage visuel singulier, caractérisé par le collage, la citation et l’appropriation d’images issues de la publicité, du cinéma, de la bande dessinée et de l’histoire de l’art.

Style et thématiques

Son œuvre, foisonnante et ironique, explore le chaos visuel de la société contemporaine. Erró juxtapose héros de comics, figures politiques, pin-up, machines futuristes et icônes culturelles dans des compositions saturées et dynamiques. Ce mélange délibéré de haut et de bas, de trivial et de mythologique, questionne la circulation des images et leur pouvoir idéologique.

Expositions et postérité

Exposé dès les années 1960 à l’international, Erró a bénéficié de grandes rétrospectives, notamment au Centre Pompidou (Paris) et au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Son œuvre est présente dans de nombreuses collections publiques, dont le Musée d’Art Contemporain de Reykjavík, qui lui a consacré un espace permanent.

Héritage

Erró s’impose comme l’un des grands chroniqueurs visuels du XXᵉ et du XXIᵉ siècle. Son art, foisonnant et corrosif, continue de dialoguer avec l’actualité, les mythes médiatiques et l’imaginaire collectif, offrant une lecture critique de notre époque saturée d’images.